Conservation et restauration du patrimoine, arts du spectacle, travail des métaux et matériaux, arts graphiques, décoration... Les métiers d'art sont une composante de l'artisanat. Ils représentent un pan important de l'économie et constituent un secteur à fort potentiel d'emplois. Ils sont représentés dans près de 38 000 entreprises, en grande majorité des TPE (Très Petites Entreprises), par 60 000 emplois et un chiffre d'affaires d'environ 8 milliards d'euros, dont 700 millions à l'export(1)
Un rapport parlementaire paru en décembre 2018 a émis 22 propositions visant à préserver et développer les métiers d’art et du patrimoine vivant.
Ce dossier a pour objectif de mieux faire connaître ce secteur de l'activité économique, en présentant certains métiers pratiqués en Auvergne-Rhône-Alpes, illustrés par des témoignages.
Il vous permet également d'accéder à une cartographie en temps réel de l'offre de formation en Auvergne-Rhône-Alpes dans les 16 domaines de métiers référencés par l'INMA, avec la possibilité d'élargir votre recherche à la France entière. L'offre de formation correspondant à certains métiers connexes aux métiers d'art (web designer, designer graphique...) est intégrée au périmètre de recherche pour apporter une réponse optimale et refléter l'innovation et les perspectives d'avenir offertes par les métiers d'art.
Le parc des expositions Savoiexpo, à Chambéry, accomplit sa mission de locomotive économique depuis un siècle, sans prendre une ride. Dès le Moyen-Âge, les foires structurent la vie économique des territoires. À l'époque, les seigneurs prélevaient leur part de droits sur les produits exposés, en échange d'une protection qu'il n'était pas indiqué de contester.une foire qui croît... La société de la Foire de Savoie, association loi 1901, fut créée en 1923 par un groupe de commerçants. Si ces rendez-vous d'affaires aux allures de fêtes agricoles étaient habituellement organisés dans des "champs de foire", à Chambéry, la Foire de Savoie a toujours eu pignon sur rue, au carré Curial puis du côté du quai des Allobroges, au palais de la Foire. C'est en 1972 qu'elle prend ses quartiers sur le site actuel, à Bissy, arborant 15 000 m² couverts et 22 000 m² à ciel ouvert. La paternité de l'événement revient à Georges de Fonclare (1870-1952), premier président de la jeune Société de la foire de Savoie. Toulousain de naissance, il fonda la Banque de Fonclare à Moûtiers, laquelle s'installa à Chambéry en 1918, après avoir fusionné avec la Banque de Savoie et la Banque commerciale d'Aix-les-Bains. La Foire de Savoie est considérée comme l'une de ses plus belles réussites : elle rencontra un succès jamais démenti dès la première édition. De la foire au Phare... En 1973, la Société de la foire de Savoie est rebaptisée Foire exposition avant d'adopter son nom définitif, Savoiexpo, en 1989. Les présidents et conseils d'administration se succèdent depuis cent ans avec un même objectif : dynamiser l'économie, créer de la richesse et du divertissement, générer de l'emploi. Progressivement, Savoiexpo étend son champ d'action, élargit ses horizons et multiplie ses services, imprimant sa marque sur le marché du tourisme d'affaires. En janvier 2018, Savoiexpo gravit une nouvelle marche en annexant l'équipement culturel et sportif voisin, Le Phare, géré par délégation de service public. Une belle prise pour bâtir l'avenir : « Mille personnes accueillies sur trois jours en pension complète, c'est environ 3 millions d'euros de retombées économiques locales », énonce Pascal Barcella, le président actuel de Savoiexpo. Un nouveau siècle d'affaires... L'année 2023 s'égrènera au rythme d'un calendrier offert à l'abondance de rendez-vous et à la nouveauté. « Nous devrions retrouver notre chiffre d'affaires d'avant-covid mais, déjà, 2022 a été une année correcte, de l'ordre de 4MEUR et 1MEUR pour Savoiexpo Événements », précise Pascal Barcella. Les travaux de modernisation et d'entretien se poursuivent, conformément aux termes inscrits dans la délégation de service public signée pour vingt-cinq ans : « Nous nous sommes engagés à effectuer 12 MEUR d'investissements sur le parc et sur Le Phare. » Lourde facture énergétique Savoiexpo honore sa mission d'activateur économique en accueillant jusqu'à 60 événements par an, du plus intimiste au plus fréquenté, privés ou grand public, grâce à un concept ingénieux de halls modulables et d'équipements adaptables. Si le volume d'activité est au rendez-vous, la facture énergétique fragilise toutefois l'équilibre des opérations, comme l'évoque Pascal Barcella : « Chaque hall représente 15 000 m3 d'air à chauffer. Nous payons le gaz huit fois plus cher qu'en janvier 2022. Une partie de notre budget travaux va servir à modifier nos modes de chauffage pour réduire nos coûts mais aussi notre impact environnemental. » La saga Savoiexpo continue avec, dès cet automne, deux rendez-vous inédits : Décidia, salon professionnel des décideurs, et le Salon de l'artisanat d'art et des métiers d'art. Le parc vient également d'être retenu pour accueillir le Congrès international de la viabilité hivernale en 2026. En un battement de cils de l'univers, le parc comptera un second siècle à son actif !
Zone d'activités de Brussieu, dans le Rhône. En ce début décembre, une brume froide flotte sur les monts du Lyonnais. Mais derrière la porte du hangar du Cercle Verre, un bananier en pot prospère. À l'heure où le gouvernement recommande de chauffer à 19 °C, la température ne descend guère au-dessous de 26. Dans ces 600 mètres carrés d'atelier tournent en effet plus d'une dizaine de fours. « Six de réchauf', parmi lesquels le plus grand d'Europe, cinq de recuisson, deux de fusion », énumère Vincent Breed, le verrier à leur tête. Dont une imposante citerne de 3,2 tonnes, alimentée par deux gros brûleurs. À l'intérieur, « du verre à 1 140 °C, liquide comme du caramel », sourit en s'épongeant le front Clément Le Mener, l'un des souffleurs qui oeuvrent devant sa porte. Lire aussi : Virtuose et foldingue, Camille Henrot réveille l'art contemporain Ici ont été façonnées des pièces hors norme, tel l'iconique Drinking Bird, de la plasticienne Camille Henrot, exposé en 2017 au Palais de Tokyo. Un oiseau cristallin, animé d'un mouvement de balancier perpétuel, qui plongeait son long bec en verre aquamarine, 2,5 mètres de long, dans une coupelle de whisky en forme de lune. « Une pièce exceptionnelle aussi par sa réalisation : il a fallu nous y mettre à cinq pour réussir à étirer sa trompe. » Ce colibri ivre, qui se brisa avant la fin de l'exposition ? La parfaite métaphore de la gueule de bois. Et aujourd'hui de la fragilité d'une matière et d'un secteur malmené, depuis le début du conflit en Ukraine, par la flambée vertigineuse des coûts de l'énergie. "L'énergie est une problématique depuis que le soufflage existe." Vincent Breed, artisan et artiste L'année 2022, proclamée Année internationale du verre par l'ONU, risque en effet de se terminer dans la casse pour ses créateurs comme pour ses professionnels. Parmi les innombrables métiers touchés par la crise énergétique, les artisans du feu sont en première ligne. Céramistes, fondeurs et, surtout, verriers : « L'énergie est une problématique depuis que le soufflage existe, soupire Vincent Breed. Pour démarrer, il faut au bas mot trois fours et 50 000 euros, mais ensuite il faut les alimenter. Dans ce métier, les charges fixes peuvent être colossales : 2 000 euros à sortir chaque mois pour un petit atelier, c'est dire si les rêves peuvent se briser vite. » Car chez les verriers, l'art est énergivore par nature puisque le four ne s'éteint pas. « L'arrêter d'un coup ferait se dilater le verre et casserait la structure et son creuset. Un four à fusion tourne donc jour et nuit, sept jours sur sept. Nous arrêtons le nôtre une fois tous les deux ans, en baissant progressivement sa température, sur sept à dix jours. » D'où un coût de fonctionnement élevé de 6 à 7 euros par minute. Incompressible. Et des marges qui se sont réduites au fur et à mesure que les prix du gaz et de l'électricité ont été revus à la hausse. Vincent Breed, avec le bec de 2,5 mètres de long qu'il a réalisé pour le fameux "Drinking Bird", de Camille Henrot (2017). Bruno Amsellem/Divergence pour Télérama La situation s'annonce donc critique pour de nombreuses entreprises du secteur, d'autant plus que se profile le spectre de possibles coupures de courant et d'un délestage annoncé par le gouvernement. Petits et gros industriels ont d'ailleurs tiré la sonnette d'alarme. Telle la firme Duralex, dont les verres sont présents sur les tables de nombreuses cantines de France, qui vient de mettre ses deux cent cinquante salariés au chômage partiel et son four en pause dans son usine du Loiret. L'entreprise va bénéficier d'un prêt de 15 millions d'euros du gouvernement pour passer l'hiver. Du côté du cristal soufflé à la main, pas de pause prévue pour ses fleurons historiques, à l'image des Cristalleries de Saint-Louis, plus ancien fabricant de lustres du Vieux Continent, aujourd'hui propriété du groupe Hermès. Au vu de l'engouement actuel pour l'art de vivre à la française, le carnet de commandes permet de voir venir et d'absorber l'augmentation des prix de l'énergie, « en hausse de 300 %, révèle son dirigeant, Jérôme de Lavergnolle, qui préside aussi la Fédération du cristal et du verre. Nous connaissons exactement nos besoins pour 2023. Cela permet d'anticiper et d'être en mesure de négocier quelle quantité de gaz et à quel prix, ce qui n'est pas le cas d'une petite entreprise, déjà fragilisée par la baisse du tourisme, et qui doit payer son énergie au fil de l'eau... ». Lire aussi : Jeremy Maxwell Wintrebert, souffleur de verre par accident Ces petites structures artisanales, qui ne comptent pas plus d'un four à fusion et deux ou trois salariés, représentent la filière pour ses deux tiers. À l'instar de la verrerie de Bréhat, dix employés dans le fort historique de l'île bretonne. « L'outil industriel tourne vingt-quatre heures sur vingt-quatre, alors on cherche les économies partout ailleurs, explique son patron, Carl Japhet, joint par téléphone. « On a fusionné les bureaux, coupé le chauffage dans la cuisine, et on mange à côté du four. En ajoutant les économies bout à bout, on espère diminuer notre consommation de 25 % », dit-il, attelé à sa comptabilité sous deux pulls et un manteau de ski. Les aides ? Elles existent, mais restent limitées et délicates à obtenir. « Notre priorité, c'est d'aider les entreprises à réduire leur consommation : nouvelles sources d'approvisionnement renouvelable, telle la récupération d'énergie, nouvelles technologies, comme l'électrification ou le recours à l'hydrogène. Une baisse de 5 % serait considérable. C'est la chasse au mégawatt », analyse Élodie Gillet, secrétaire générale de la fédération professionnelle. Les plus en difficulté ? Ceux dont le contrat énergétique arrive aujourd'hui à échéance. « Ils sont obligés de renégocier alors que les tarifs sont au plus haut. » Comme l'atelier TiPii, à Toulouse, qui devait reconduire son abonnement au 31 décembre 2022. Il y a cinq ans, Thibaut Nussbaumer, passé par la célèbre cristallerie Baccarat, a misé sur un « atelier de quartier, un modèle économique urbain un peu à part chez les verriers, autour d'un beau four scandinave pour lequel [il] a sacrifié [s]on compte épargne ». "Dans ce contexte de crise, avec des prix plus élevés, je ne m'y serais peut-être pas risqué." Jean-Marie Appriou, sculpteur Ici, on vient s'initier au métier de souffleur ou on craque sur un vase Pills, en forme de pilule colorée, à l'esthétique sobre mais ludique du jeune créateur. Depuis un mois, l'artisan d'art a l'oeil rivé sur le cours du gaz. Une préoccupation très éloignée, ce samedi, de ses visiteurs. Une fois par mois, TiPii ouvre en effet ses portes aux bambins : chacun peut venir souffler sa boule de Noël dans la canne de verrier, « comme sur les bougies d'un gâteau d'anniversaire ». Trente euros par tête blonde, presque à perte. « À ce prix-là, on rembourse juste le prix de l'énergie, mais cela nous aide à nous faire connaître, conclut Thibaut Nussbaumer. Et voir les enfants sourire, cela fait chaud au coeur. » Lui étudie plutôt l'achat d'un four de réchauffage plus grand, pour des pièces plus imposantes... et donc plus chères. À 25 euros le verre, difficile en effet de répercuter 300, voire 400 % d'augmentation. En attendant, le jeune entrepreneur a fait le pari de développer une nouvelle marque, L'Indécent, et des pièces à forte valeur ajoutée : « Des sculptures artistiques uniques, qui transcendent un objet symbolique et intime... les sex-toys ! » explique-t-il avec humour. En forme de corne de licorne ou de banane, de mutins godemichés en verre plein pour un plaisir durable, et pour lequel le client est davantage prêt à mettre la main à la poche. La profession hésite encore à hausser ses tarifs, avec la crainte de décourager les créateurs, architectes, designers ou plasticiens pour lesquels travaillent de nombreux verriers en plus de créer leurs propres lignes. Outre le prix de l'énergie, le travail du verre intègre aussi le prix du doute et de l'expérimentation... en moyenne entre dix et vingt essais pour aboutir à un prototype réussi. "Jeunes, vieux, débutants, confirmés, nous accueillons de plus en plus de sans atelier fixe." Vincent Breed « Le verre reste relativement abordable pour un jeune artiste », estime ainsi le sculpteur Jean-Marie Appriou, l'un des artistes les plus prometteurs de sa génération. Sa pièce-signature ? Des astronautes coiffés d'un aérien casque en verre, réalisés dès 2015 : « Souffler du verre ne s'improvise pas : c'est une pratique que j'ai intégrée dans mon travail en rencontrant un verrier, en réfléchissant avec lui, en multipliant les tentatives. Dans ce contexte de crise, avec des prix plus élevés, je ne m'y serais peut-être pas risqué... » Lire aussi : L'artisanat vénitien à la pointe du design industriel La solution la plus sérieuse pour la filière se situe dans la mutualisation d'ateliers. Il y a quinze ans, Vincent Breed en rêvait. Aujourd'hui, elle est devenue réalité pour le Cercle Verre, avec le lancement de l'association Hotshop. Déjà une vingtaine de membres pour un four, à louer à partir de 100 euros la journée. « Jeunes, vieux, débutants, confirmés, nous accueillons de plus en plus de sans atelier fixe. » Parmi eux, Pascal Vallet, de l'atelier des Pommes bleues, qui après avoir claqué la porte d'un bureau d'études se reconvertit dans le soufflage et trouve ici plus qu'un poste de travail, « des conseils pour mettre la main à la pâte avant de se mettre à son compte et démarrer une petite production de sculptures lumineuses, méduses fluorescentes lorsqu'on les place sous la lumière UV ». Alexis Mathelin aussi a tout bonnement pris la décision de fermer son atelier : « Regarder un souffleur de verre est toujours merveilleux. À tel point que l'on oublie ce qu'il y a derrière. Mais un jour, le prix à payer sera peut-être trop lourd. »