Mixité professionnelle : changer les représentations de genre dans les métiers

Les métiers changent, se transforment, se réinventent. Mais nos représentations, elles, ont parfois la vie dure. 

Si les femmes sont de plus en plus nombreuses à intégrer le numérique, et que les hommes s’investissent davantage dans les métiers du soin ou de la petite enfance, les stéréotypes de genre continuent de peser sur les choix d’orientation. Et si les professionnels de l’accompagnement pouvaient jouer un rôle clé pour faire évoluer les mentalités ?

Publié le 7 novembre 2025

Les métiers ont-ils encore un genre ?

La mixité professionnelle progresse, mais lentement.

Certains secteurs restent encore marqués par une forte répartition genrée :

  • les hommes dans le bâtiment ou l’informatique
  • les femmes dans le social, l’éducation ou la santé.

Les femmes représentent seulement 30 % des effectifs du numérique, et 16 % des postes techniques. Mais à l’inverse, elles sont près de 85 % dans les métiers du soin ou de la petite enfance. 

Ces clivages ne sont pas liés aux compétences, mais bien à des représentations sociales encore profondément ancrées. Dès l’école primaire, les garçons se projettent plus volontiers vers les métiers techniques ou scientifiques, tandis que les filles se tournent vers les métiers du soin ou de la relation à l’autre. Ainsi, les jeunes associent inconsciemment certains métiers à un genre. 

Ces représentations façonnent les trajectoires scolaires, influencent les ambitions et ferment parfois des portes avant même qu’elles ne s’ouvrent. 

Source : Femmes et stéréotypes de genre : de l’orientation scolaire à l’insertion professionnelle

Le rôle clé des professionnels de l’accompagnement

Changer les représentations demande du temps, de l’écoute et une posture réflexive.

Les professionnels de l’orientation, de la formation et de l’emploi ont un rôle essentiel à jouer en :

  • repérant les freins liés aux stéréotypes
  • élargissant les horizons,
  • mais surtout, en accompagnant sans projeter leurs propres biais. 

Pour cela, plusieurs leviers existent :

  • Encourager la découverte de métiers variés dès le plus jeune âge,
  • Questionner les idées reçues et les représentations associées aux professions,
  • Valoriser les compétences transférables plutôt que les parcours tout tracés,
  • S’appuyer sur des outils et des supports inspirants pour nourrir la réflexion. 

Déconstruire les stéréotypes de genre, c’est tendre vers de nouveaux horizons. 

Tel est l’enseignement de nos invités dans l’épisode du podcast Lampe de PocheMétiers et stéréotypes de genre : ouvrir le champ des possibles”. 

Nous donnons à la parole à :

  • Claudina Lobos, Coordinatrice Service Emploi au CIDFF de l’Ain, et
  • Bastien Metrat, Psychologue de l’Éducation nationale et Directeur du CIO d’Yssingeaux.

À travers leurs expériences croisées, ils partagent une même conviction : déconstruire les stéréotypes de genre, c’est avant tout ouvrir le champ des possibles.

Vous allez découvrir des exemples concrets de pratiques d’accompagnement pour être acteur de ce changement :

  • Des ateliers pour travailler sur la confiance en soi et lever les freins à la reconversion,
  • Des modèles inspirants pour dépasser les représentations,
  • Et des outils pédagogiques qui aident à identifier et questionner les stéréotypes présents dans les choix d’orientation.

En tant que professionnels, nous devons élargir le champ des possibles et accompagner dans une réflexion et finalement prendre le temps de les écouter.

Claudina Lobos, Coordinatrice Service Emploi au CIDFF de l’Ain

Écouter notre podcast 

00:00:01 Générique

Emploi, orientation, formation, Lampe de poche, le podcast qui éclaire votre quotidien pro.

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00:00:16 Extrait humoristique – La représentation des femmes dans les médias - Léa Salamé/Paul Lapierre - La collab' de l'info

Léa Salamé

Je suis une fille, j'adore le rose et j'adore jouer à la poupée. Alors qu'en fait, je déteste le rose.

Paul Lapierre

Moi je suis un garçon donc forcément j'aime le sport et la baston quoi.

Léa Salamé

Ouais.

00:00:26 Magali TOURNON (Animatrice)

Existe-t-il des métiers genrés ? Et si nos choix professionnels n'étaient pas aussi libres qu'on le pense ? Aujourd'hui, on parle stéréotypes de genre, ces idées toutes faites qui influencent l'air de rien, nos parcours scolaires, nos envies de métier et même nos reconversions. Des pros de l'orientation, de la formation et de l'emploi agissent sur le terrain pour bousculer tout ça. On en parle aujourd'hui aux côtés de nos deux invités, Claudina LOBOS, Coordinatrice service-emploi au Centre d'Information sur les Droits des Femmes et des Familles, le CIDFF de l'Ain. Et Bastien METRAT, Psychologue de l'éducation nationale et Directeur du Centre d'Information et d'Orientation, le CIO d'Yssingeaux. Bonjour à tous les deux.

00:01:08 Bastien METRAT (Intervenant)

Bonjour.

00:01:08 Claudina LOBOS (Intervenante)

Bonjour Magali.

00:01:09 Magali

Voici comment nous pourrions définir un stéréotype de genre. Un stéréotype de genre, c'est une idée toute faite sur ce qu'un garçon ou une fille est censé faire, aimer ou devenir. Et souvent, ça influence nos choix, sans même qu'on s'en rende compte. Et ça commence très tôt, notamment au moment de l'orientation scolaire. Bastien, dans ton accompagnement au collège ou au lycée, comment observes-tu l'impact de ces stéréotypes sur les choix d'orientation des jeunes ?

00:01:33 Bastien

Alors, en réalité, les stéréotypes de genre s'ancrent dès l'enfance. On perçoit justement une différence entre les filles et les garçons dès le CP, car dès le plus jeune âge, les filles et les garçons sont exposées à des attentes sociales différentes. Hors, les garçons, on dit souvent qu'ils peuvent être, alors de façon caricaturale, associés à la rationalité, à la logique, à la technique, tandis que les filles sont plus perçues comme douces, empathiques, tournées vers les métiers du soin par exemple. Ces stéréotypes sont véhiculés par la famille, par l'école, par les pères, par les médias aussi. Et ils influencent progressivement la perception que les jeunes se font d'eux-mêmes. Et ils intègrent finalement une représentation erronée de leurs propres compétences et de ce qui leur serait naturellement destiné, en quelque sorte. Donc ça renvoie à l'orientation. Tout se déroule finalement inconsciemment, tant pour les jeunes qui sont victimes de ces déterminismes que pour les acteurs de l'éducation. Et je vous donnerai un exemple à l'entrée dans l'enseignement supérieur. Les jeunes qui y vont sur les études d'ingénieur ou du numérique, seulement 25% sont des filles et ces chiffres ne bougent pas depuis une vingtaine d'années.

00:02:53 Magali

Comment agissez-vous concrètement pour ouvrir le champ des possibles ?

00:02:41 Bastien

Alors en tant que psychologue de l'éducation nationale, notre outil de prédilection c'est l'entretien psychologique avec les jeunes. Et dans ce cadre-là, on essaye d'aiguiser en tant que professionnel notre acuité pour déceler, je dirais, les déterminants de l'orientation. Et déconstruire avec les jeunes finalement ces stéréotypes. Alors qu'ils soient genrés, mais pas uniquement, sociaux, culturels et autres. On peut exposer les jeunes à des modèles contre-stéréotypés. Par exemple, une jeune fille, on va lui présenter une vidéo d'ingénieur femme. L'enjeu, c'est de favoriser l'émancipation dans l'élaboration du projet d'avenir. On peut aussi accompagner le jeune dans des démarches métacognitives, c'est-à-dire une posture réflexive qui permette de prendre conscience des processus, à la fois de comment on arrive à mieux se connaître. Comment est-ce qu'on arrive à évaluer sa personne ? Comment est-ce qu'on arrive cognitivement à prendre des décisions ? Et comment les stéréotypes agissent à ce niveau-là ? On agit aussi en tant que psychologue en amont, ces moments-là, via des ateliers groupaux de prévention, en quelque sorte, en utilisant principalement les référentiels autour de la promotion des compétences psychosociales. L'idée, c'est de forger l'esprit critique, c'est de développer une évaluation de soi, une connaissance de soi positive, qui se libère progressivement des injonctions sociales, justement.

00:03:56 Magali

Ces représentations de genre sont ancrées dès le plus jeune âge et nous suivent tout au long de notre parcours professionnel. Cela peut s'avérer particulièrement vrai pour certains publics. Claudina, en tant que coordinatrice service-emploi au CIDFF, j'aimerais que tu nous fasses part de tes expériences dans l'accompagnement des femmes, en particulier lors de leur reconversion professionnelle. Quels freins reviennent souvent quand une femme envisage une reconversion ?

00:04:18 Claudina

Déjà en préambule, j'aimerais partager un constat de terrain, c'est que je n'ai que très rarement des femmes qui arrivent avec un souhait de reconversion dans un métier peu féminisé. Elles arrivent le plus souvent avec une envie d'élaboration d'un projet professionnel. Et donc, cette ouverture déjà qu'elles peuvent avoir nous permet d'élargir le champ des possibles. J'ai simplement le souvenir d'une femme qui avait le souhait de devenir grutière. J'ai peut-être un cas par an. Donc, c'est dire. Alors, les freins qu'on peut rencontrer pour ces femmes qu'on accompagne, c'est le manque de confiance en elles, donc elles ne se permettent pas d'envisager les possibilités. De là, ce manque de confiance, on arrive sur de l'autocensure aussi, puisqu'elles n'envisagent pas, donc elles ne se permettent pas d'y penser. Et aussi un constat qu'on fait, c'est la méconnaissance des métiers existants. Et notre métier, nous, de conseillers emploi-formation et de conseillers en insertion professionnelle, va être de leur faire savoir que des métiers et d'autres métiers existent pour lesquels elles peuvent envisager une formation. Donc ce travail-là, ça va être un travail de culture de l'entreprise.

00:05:20 Magali

Comment vous accompagnez ces femmes pour dépasser ces freins, justement ?

00:05:24 Claudina

Alors, vu qu'un des premiers freins va être celui qu'elles ont en tête, on va vraiment travailler sur la prise et la reprise de confiance en elles. Puisque parfois, elles ont eu un parcours personnel et familial qui ont entravé cette prise de confiance en elles. Donc ça va être le premier travail à faire. On le fait, nous, au CIDFF de l'Ain, par des ateliers. On va les faire travailler en groupe et déconstruire ce qu'elles ont pu entendre ou intégrer aussi dans leur construction. Et on va reprendre avec elles leur histoire de vie. Donc le travail sur la confiance en elles va être la première des choses. Et nous, on aime beaucoup questionner aussi sur les choix de vie et les choix d'orientation qui ont pu être faits pour vraiment les questionner sur le rêve d'enfant qu'elles ont pu avoir. J'ai eu le cas comme ça d'une femme qui avait voulu être monitrice d'auto-école. Bien finalement, ça a pu se faire mais c'était quelque chose qui était très, très enfoui en elle.

00:06:14 Magali

Et ça me permet d'enchaîner. Est-ce que tu aurais un exemple d'un parcours atypique réussi ?

00:06:19 Claudina

J'ai eu le cas d'une femme qui avait vécu un parcours migratoire avec laquelle j'ai pu visiter un centre de formation sur les métiers de la logistique. Et elle a eu un véritable coup de cœur, mais d'elle-même, elle n'aurait pas pu le verbaliser en me disant « ces métiers-là m'intéressent » puisque pour elle, ça n'existe pas et qu'on ne lui en a jamais parlé. Donc là, coup de cœur pour elle et le formateur avait été très bienveillant et qu'il l'avait rassuré en disant « mais ce n'est pas parce que vous n'avez pas de diplôme, que vous ne pouvez pas le faire. C'est un travail finalement de concert avec les acteurs de la formation, de l'insertion, de l'entreprise.

00:06:14 Magali

Je te remercie pour cet exemple très inspirant. Alors, on se demande souvent comment bien accompagner sans malgré nous renforcer ces stéréotypes. Ce qui m'amène à cette question pour vous deux. Claudina, Bastien, auriez-vous un outil ou une bonne pratique à partager à celles et ceux qui veulent agir au quotidien contre ces stéréotypes ?

00:07:11 Bastien

Alors, j'ai en tête l'outil « C’est cliché » pour justement travailler avec des jeunes, des adolescents sur leurs représentations, pour déconstruire justement ces représentations-là. Mais plus globalement, développer des bonnes pratiques nécessite d'avoir un retour d'expérience sur ce qui est profitable ou non. Et à ce titre, il y a Santé publique France qui a édité un guide en 2022, puis cette année, sur ce que les professionnels peuvent entreprendre dans le déploiement des actions de promotion des compétences psychosociales. Il est consultable en ligne et on peut retenir ce document quatre aspects. Le premier, c'est qu'il doit être ancré dans la durée. Il faut que ça soit implicatif, quasi expérientiel. Le jeune, il doit vivre des activités qui l'engagent. Ça doit mobiliser ce qu'on appelle la réflexion profonde. Et puis, le dernier point, c'est aussi de baigner dans un environnement qui soit raccord avec ce discours de lutte contre les stéréotypes. Si on renforce nous-mêmes dans nos façons d'être les stéréotypes, il y a une disharmonie qui va biaiser complètement l'action. Donc, il faut un cadre éducatif positif, soutenant et vigilant à l'encontre des stéréotypes de genre.

00:08:07 Claudina

Je te rejoins, Bastien. Effectivement, les stéréotypes, malgré tout, en étant professionnels, on peut être nous-mêmes dans le préjugé, dans les stéréotypes, pour plein de raisons. Et puis parce que l'humain a tendance à aller vers ce qui fonctionne. C'est vrai que ça demande d'avoir une posture et d'être dans la continuité. Par exemple, nous, dans l'Ain, on a un atelier comme ça auprès des professionnels. C'était déconstruire les préjugés et les stéréotypes de genre pour mieux accompagner. Ça fait toujours son petit effet en disant, mais mince, moi-même, je suis pleine de stéréotypes. Et voilà, c'est à nous de le faire au quotidien.

00:08:40 Magali

Et enfin, si vous deviez résumer en une phrase ou en quelques mots, ce qu'on doit retenir pour agir, ce serait quoi ?

00:08:48 Claudina

Je pense qu'il faut de l'audace, il faut oser, il faut se sentir assez en confiance pour oser découvrir. Moi, la posture que j'ai avec les femmes que j'accompagne, c'est de leur dire, allons faire une période de stage, allons découvrir, allons poser des questions et on fera le bilan après. Le fait d'avoir la possibilité de revenir en arrière, ça peut leur permettre de passer à l'action. Mais pourquoi pas ?

00:09:11 Bastien

Et moi, je dirais que c'est l'engagement du quotidien. Ça permet de redonner du sens à nos actions professionnelles. Voilà, je pense que c'est essentiel pour incarner des professionnels avec une vision, avec des valeurs.

00:09:23 Magali

Déconstruire les stéréotypes, ce n'est pas imposer de nouveaux modèles. C'est permettre à chacune et chacun de faire un choix libre, aligné et assumé. En tant que professionnels, nous avons un rôle essentiel pour ouvrir ces possibles, dès l'orientation et tout au long des parcours de vie. Un grand merci à nos invités pour leur partage d'expériences inspirants et à très bientôt sur le podcast Lampe de Poche.

00:09:46 Bastien

Merci.

00:09:46 Claudina

Merci Magali.

00:09:01 Générique

Vous accéderez aux infos pratiques et ressources liées à notre discussion du jour dans la description de cet épisode et en attendant de vous retrouver autour d'un prochain sujet. Nous vous invitons à nous suivre sur LinkedIn et sur notre site internet viacompetence.fr qui regorge d'infos et de pépites pour les professionnels de l'orientation, de la formation et de l'emploi.

Et demain, des métiers vraiment mixtes ?

La mixité professionnelle est un horizon à construire collectivement. Chaque professionnel de l’accompagnement peut contribuer, à son échelle, à faire bouger les lignes. En ouvrant les possibles et en soutenant la confiance en soi.

Parce que déconstruire les stéréotypes, ce n’est pas imposer de nouveaux modèles : c’est permettre à chacun de trouver sa place, là où il ou elle s’épanouit vraiment.

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