Trouver les bons mots : comment parler de (ré)orientation aux jeunes ?

Et si les mots choisis pour parler d’orientation faisaient toute la différence ?

Changer de voie, ce n’est pas un échec : c’est une expérience, un apprentissage, une façon de mieux se connaître. Pourtant, dans le discours institutionnel comme dans l’accompagnement, certains mots peuvent freiner, blesser ou décourager.

Publié le 4 décembre 2025

00:00:01 Générique

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00:00:16 Extrait humoristique – Jamel Debbouze - LE CONSEILLER DE DÉSORIENTATION

Mais c’était pour faire plaisir à mes parents, mon père il voulait que je sois médecin. Ma mère miskina, elle voulait que je travaille près d’un chauffage. Et pour leur faire plaisir, j’ai continué. Et quand tu veux continuer en zep tu es obligé de passer par un conseiller de désorientation. 

00:00:34 Magali TOURNON (Animatrice)

Et si les mots choisis pour parler d'orientation faisaient toute la différence ? Et si, sans le vouloir, on renforçait le sentiment d'échec chez un jeune qui change de voix ? 

Aujourd'hui, on parle de communication et de réorientation. Trouver les bons mots, ce n'est pas juste une affaire de style. C'est parfois ce qui permet à un jeune ou moins jeune de se sentir compris et de se remettre en mouvement, de ne pas se sentir hors parcours. Notre invité, Samuel HUTSEBAUT, est Chargé de communication à la Direction de la Formation et de l'Insertion Professionnelle, à l'université Jean Monnet au sein du service Cap Avenir. Il a été confronté dans ses missions à la difficulté de trouver le bon ton pour parler à des jeunes qui se cherchent, parfois doutent, souvent décrochent. 

Samuel, dans ton rôle de communicant auprès d'un public jeune, qu'as-tu observé ? Qu'est-ce qui, selon toi, peut créer une distance dans notre manière de parler de l'orientation ou de la réorientation ?

00:01:26 Samuel HUTSEBAUT (Intervenant)

Déjà, le sujet d'orientation et de réorientation pour un étudiant, c'est très délicat parce qu'il y a différents critères qui peuvent intervenir. Déjà au niveau de l'orientation, il peut y avoir soit des pressions familiales ou des pressions des camarades où en gros on va suivre les copains dans telle ou telle filière mais finalement c'est peut-être pas forcément la filière qui intéresse. Et au niveau de la réorientation, c'est un plus gros enjeu parce qu'il y a vraiment une réflexion de je me suis trompé, et ce qui ne veut pas dire que je suis en échec, et ça aussi ça peut être un sujet ou en tout cas il y a une réflexion et se dire non en fait c'est pas ça, il faut que je change de voie. Et c'est quand même très compliqué de se dire 1, je me suis trompé, 2, j'ai besoin d'aide, 3, je vais chercher de l'aide. Et il y a différentes étapes qui font que ça peut être compliqué. Donc du coup, d'un point de vue communication, le but c'est d'intervenir, c'est déjà de détraumatiser tous ces aspects-là, et surtout de les encourager à venir voir Cap Avenir, parce que Cap Avenir, il y a différents outils, différents projets qui sont mis en place pour les aider sur ces différents aspects.

00:02:22 Magali

Est-ce qu'il y a des mots, des phrases, des tournures qui reviennent souvent, qui sont peut-être mal perçues ou contre-productives ?

00:02:28 Samuel

Déjà le mot réorientation peut faire peur. Après ça dépend comment on l'utilise, mais c'est clairement autour du mot de « l'échec », ou du mot de « se tromper », les choses de ce genre qui viennent intervenir. Et on va plutôt, enfin, moi, en tout cas, quand j'interviens en communication sur ces sujets, plutôt dire « on vit de changements » ou bien y avoir une réflexion sur ce qu'on veut réellement. C'est plus se tourner vers soi, vers l'étudiant, mais de manière positive. C'est-à-dire le changement, c'est quelque chose de plus doux qu’être en échec et devoir à tout prix être sur une autre filière par exemple.

00:02:59 Magali

Effectivement, il y a certains termes qu'on utilise par habitude comme « redémarrer à zéro », « se réorienter », « repartir sur de bonnes bases », qui peuvent avoir un message assez lourd.

00:03:08 Samuel

« Se tromper » ou « erreur de parcours », les mots ont un poids lourd pour l'étudiant. En fait, c'est un peu comme, ils ont été dans un système éducatif où en gros, tous les ans, ils allaient d'un niveau supérieur, ils passaient de la première puis terminale, etc. Donc ils s'attendent finalement à avoir aussi un chemin linéaire. Et c'est juste qu'il y a un schéma de pensée à modifier en disant « Non, en fait, après le bac, ce n'est pas forcément un schéma linéaire. » Ce qui est très drôle, c'est que moi, par exemple, j'ai fait une reconversion. Avant, j'étais chimiste. Et donc, du coup, il y a aussi cette réflexion « Bon, je fais ça, mais finalement, ça ne va plus. Est-ce que je vais changer ? » Ça, c’est une grosse réflexion à avoir et être rassuré, finalement. Et aussi, en France, il y a un gros tabou sur l'échec. On dit que l'échec, ce n'est pas bien. Il ne faut pas échouer. Là où j'ai eu l'occasion de voyager, par exemple si on va aux États-Unis, c'est tout l'inverse. Un échec, c'est formateur. C'est là où il faut qu'on rebondisse sur les vertus de l'échec et peut-être se dire, il n'y a pas d'échec. C'est soit on réussit, soit on apprend, mais finalement on avance quoi qu'il arrive. Et donc en effet, quand on dit « repartir à zéro » pour un étudiant, c'est faux. On repart avec un bagage qu'on va utiliser différemment, ou en tout cas c'est quelque chose qui va être utile.

00:04:15 Magali

Face à ces constats, qu'as-tu mis toi en place pour parler autrement de réorientation ? As-tu travaillé le ton, les supports, les formats ou les canaux de diffusion ?

00:04:28 Samuel

J'ai tout travaillé. Non, en fait, historiquement, quand je suis arrivé à Cap Avenir, ça faisait neuf mois que le poste était vacant. Donc pour moi, ça a clairement été un prétexte pour, on va pas dire tout reprendre à zéro, mais faire un très gros rafraîchissement au niveau de la communication. Et moi, un des aspects importants et que j'avais capté rapidement c’était le côté, on vient toucher un peu de l'émotionnel, la sensibilité de l'étudiant. Et l'axe que j'ai choisi, après il y en a d'autres qui existent, c'était de mettre de l'humain sur les visuels. C'est-à-dire, c'était soit un étudiant ou une étudiante, et qui procure une émotion : ça peut être un sourire, ça peut être une crispation aussi, c'est une émotion négative mais elle est là quand même. En tout cas c'était un visage personnifié et finalement l'étudiant ou l'étudiante peut s'identifier à la personne qui est sur le visuel et derrière ça vient capter l'attention, on se dit « Ah, il y a quelqu'un qui me ressemble, qu'est-ce qu'elle a ? Elle sourit, qu'est-ce qui lui arrive ? ».

00:05:19 Magali

Comment ça a été reçu côté jeune, côté étudiant ?

00:05:22 Samuel

En fait à Cap Avenir on a beaucoup de chance parce qu'on s'occupe également des étudiants ambassadeurs qui sont là pour représenter l'université et être présent au niveau des différents événements d'orientation, dont les salons et les forums. Et en fait, c'est directement à vivier que l'on peut consulter. C'est-à-dire qu'ils sont plutôt bienveillants avec l'université, mais du coup, ils vont aussi être sincères. C'est-à-dire qu'ils vont dire, oui, par exemple : « Là, j'ai vu ta story, je ne l'ai pas compris, c'est beaucoup trop rapide, on n'a pas le temps de lire » ce genre de choses. Donc, on a la chance, du coup, de pouvoir utiliser ces étudiants-là pour nous faire un retour et pour faire du testing, finalement. Après, il y a comme retour positif c'est voir les réactions au niveau des réseaux sociaux, le nombre de likes et ou de commentaires et aussi le nombre d'abonnés.

00:06:00 Magali

Est-ce que tu aurais des conseils à donner aux pros qui nous écoutent ? Parce que ce podcast s'adresse à des pros de la formation, de l’emploi, de l'orientation qui sont pas forcément des experts en communication. Est-ce que tu aurais un conseil à leur donner ?

00:06:12 Samuel

Alors le conseil c'est toujours se mettre dans une sorte de démarche marketing alors c'est un gros mot mais je vais juste dire : faut se mettre à la place de l'étudiant. C'est qu'aujourd'hui, il y a des moyens de communication qui sont très variés. Mais on sait par exemple que 80% des moins de 30 ans ont un compte Instagram. Et 80% des plus de 30 ans ont un compte Facebook. Donc il faut déjà avoir le bon canal et vraiment se mettre à la place de l'étudiant et voir ce qui se fait ailleurs, ni plus ni moins. J'appelle ça de la veille concurrentielle, mais ça, ça vient de mon ancien job. Mais ni plus ni moins, voir ce qui se fait et ce qui fonctionne et s'en inspirer pour faire la même chose.

00:06:52 Magali

Est-ce que tu aurais peut-être un exemple de bonne pratique, simple à tester, par exemple dès maintenant, pour mieux parler à un jeune qui doute ou qui envisage un changement de voie ?

00:07:00 Samuel

La bonne pratique pour moi, ce serait de faire de la veille. Et j'essaie de prendre du temps régulièrement. Alors parfois, ça peut paraître un peu du loisir de se dire « Oui, je vais traîner sur les réseaux sociaux. » Et en fait, pas du tout, c'est vraiment intéressant parce que déjà, on peut aussi s'informer parce qu’il a des infos qui peuvent nous concerner. Mais clairement, voir ce qui se fait et clairement s'en inspirer, que ce soit par exemple pour des posts LinkedIn ou des posts Instagram ou autres, il y a vraiment des tendances qui apparaissent et voir si cette tendance peut être adaptée avec un message ou avec une action. Et aux yeux de l'étudiant, ça a un impact parce qu'il se dit « Ah oui, d'accord, en fait cette structure, elle est dans le mouvement, elle arrive à suivre les différentes tendances, etc. » Parfois, on peut ne pas être créatif ou ne pas forcément avoir d'idée. Parfois, il suffit juste d'aller voir ailleurs ce qui se fait, ça peut, 1, nous inspirer ou 2, pas copier-coller à 100% mais en tout cas ça donne des bonnes pistes. Moi par exemple je suis aussi de la veille sur Pinterest parce que sur Pinterest il y a différents supports, ça peut être à la fois des posts, ça peut être des affiches, ça peut être des brochures, de tout.

00:08:02 Magali

Est-ce que tu as autre chose peut-être à ajouter sur le sujet ?

00:08:07 Samuel

Il y a quelque chose d'important, il y a ce côté ne pas juger l'étudiant, c'est-à-dire s'il n'a pas eu l'info. Qu'est-ce que je peux changer pour que la prochaine fois il ait réellement l'info ou en tout cas qu'il s'intéresse à l'info. Et c'est souvent ça l'enjeu d'un communicant, c'est envoyer la bonne information au bon moment, avec le bon canal.

00:08:25 Magali

Merci Samuel pour ton partage d'expérience et ton éclairage précieux. Trouver les bons mots ou trouver la bonne forme, ce n'est pas superflu. C'est souvent ce qui permet d'ouvrir des possibles, de lever des freins, de redonner de la légitimité à un parcours qui sort du cadre. Ce qu'on dit et la façon dont on le dit peut faire la différence. Merci à vous qui nous écoutez et à très bientôt dans le podcast Lampe de Poche.

00:08:45 Générique

Vous accéderez aux infos pratiques et ressources liées à notre discussion du jour dans la description de cet épisode et en attendant de vous retrouver autour d'un prochain sujet. Nous vous invitons à nous suivre sur LinkedIn et sur notre site internet viacompetence.fr qui regorge d'infos et de pépites pour les professionnels de l'orientation, de la formation et de l'emploi.

En résumé

Dans cet épisode de Lampe de Poche, nous abordons la question délicate de la communication autour de la (ré)orientation avec Samuel Hutsebaut, Chargé de communication à la Direction de la Formation et de l’Insertion professionnelle de l’Université Jean Monnet Saint-Étienne, au sein du service Cap Avenir.

Confronté au quotidien à la difficulté de « trouver le bon ton » pour parler à des jeunes qui doutent, hésitent ou se réinventent, Samuel partage son expérience, ses observations et ses conseils.

  • Comment éviter les formulations qui renvoient à l’échec ?
  • Quels mots ou expressions peuvent aider à lever la peur du changement ?
  • Et comment les professionnels de la formation, de l’emploi ou de l’orientation peuvent-ils s’approprier des pratiques simples pour mieux communiquer, sans être experts en communication ?

À travers son témoignage, cet épisode éclaire les enjeux du langage, du ton et des canaux utilisés pour (re)donner du sens et de la légitimité aux parcours non linéaires.

Parce que trouver les bons mots, c’est parfois ce qui permet à un jeune de se remettre en mouvement.

Écoutez l’épisode dès maintenant et découvrez comment transformer la manière dont on parle d’orientation pour ouvrir de nouvelles voies.

 

Références – Pour aller plus loin :

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Crédits Illustrations sonores

Extrait de la vidéo YouTube 100% DEBBOUZE - Spectacle complet de Jamel Debbouze (2004)

Musique Dude – Patrick Patrikios ℗ YouTube Audio Library